Lire Emily Dickinson : kit poétique de démarrage

On a presque tous et toutes entendu au moins une fois ce nom : « Emily Dickinson ». Des bribes de poèmes ou des mentions de la poétesse ont pu apparaître dans notre quotidien – dans un film, une série, un roman américain voire français. Lire sa poésie n’est pas forcément le premier réflexe. De prime abord, qui plus est, on découvre soudainement qu’Emily Dickinson a écrit pas moins de 1789 poèmes : l’intégrale est un sacré « pavé » et, en librairies, plusieurs recueils se trouvent parfois les uns à côté des autres. Autre obstacle, qui est une évidence : la poésie d’Emily Dickinson est en anglais. Et, même si vous en avez un bon niveau, le style poétique de Dickinson hors du commun n’est pas toujours limpide, même pour les natifs.

À retenir : nous déconseillons fortement les recueils qui ne proposent pas de version bilingue. Même de très belles traductions ne dispensent pas de pouvoir s’appuyer sur les mots d’origine d’Emily Dickinson. La traduction et l’original se complètent pour mieux saisir le poème.

Pour vous aider à découvrir l’œuvre d’Emily Dickinson sans paniquer, voici un chemin, parmi d’autres.

Un court recueil : Car l’adieu, c’est la nuit
Bilingue, traduit par Claire Malroux (Gallimard)

Le recueil conduit par Claire Malroux, chez Gallimard, est peut-être la meilleure entrée en matière :

  • Relativement court, il présente une sélection d’un peu plus de 350 poèmes.
  • Il est bilingue : pour saisir la force de la poésie de Dickinson, il est essentiel d’avoir aussi l’original sous les yeux.
  • La traduction de Claire Malroux est l’une des plus belles produites en France : pas toujours littérale, elle en perçoit toujours l’âme.
  • Le recueil dispose d’une introduction, mais aussi de notes sur certaines poèmes, où Claire Malroux livre des éléments pour mieux comprendre la vie et l’oeuvre de Dickinson.
  • Il est possible de poursuivre avec un second recueil de poèmes choisis et traduits par Claire Malroux : les Quatrains.
Un roman : Les ombres blanches
Dominique Fortier (Grasset)

Pour se plonger dans le monde d’Emily Dickinson, l’imaginaire peut aussi être une porte. Et celle-ci est immensément belle quand elle s’incarne dans la plume de Dominique Forter. Dans Les ombres blanches, l’écrivaine québecoise se penche sur les années ayant suivi la disparition d’Emily. Peu avant sa mort, qui survient en 1886, celle-ci a demandé à sa soeur Lavinia de brûler ses lettres. En accomplissant cette volonté, Lavinia tombe également sur des carnets et des liasses de poèmes par centaines. Elle en confie l’édition d’abord à Susan, belle-sœur et grande amie d’Emily, puis à une certaine Mabel Loomis Todd.

Dominique Fortier raconte cette période, et le parcours de ces trois femmes, à la lumière de notre connaissance documentaire sur cet après, mais aussi à l’aide de son imagination, nimbée par sa lecture et sa compréhension de qui était Emily Dickinson.

Correspondance : quelles traductions existent-elles ?

Lorsque l’on s’intéresse à une poétesse, on imagine parfois n’avoir que des poèmes à lire. Et cette tâche est déjà dense avec Emily Dickinson. Son œuvre poétique, toutefois, va au-delà de ses poèmes : sa correspondance était une seconde nature littéraire chez elle. Non seulement on peut y voir une forme de prose, mais Emily Dickinson y écrivait ou y joignait des poèmes. Comment découvrir ses lettres ?

  • Version courte : Un volcan silencieux, la vie (L’Orma). Ce petit livre d’une soixantaine de pages propose quelques extraits de courriers envoyés à des correspondants variés.
  • Lettres choisies et herbier : Autoportrait au Roitelet (Les Belles Lettres). Cette édition proposée par Patrick Reumaux sélectionne exclusivement les lettres à T.W. Higginson et aux sœurs Norcross.
  • Lettres aux amies et amis proches (René Corti) : traduite par Claire Malroux, c’est une édition quasi intégrale des lettres (la seule disponible en France, l’édition de Françoise Delphy n’étant plus disponible en librairies). L’ouvrage est particulièrement bien construit, chaque destinataire ayant une introduction, à quoi s’ajoutent des notes de bas de page.
L’Intégral : Poésies complètes
par Françoise Delphy (Flammarion)

Le travail de traduction de Françoise Delphy est remarquable : c’est à elle que l’on doit le seul et unique intégral (bilingue) publié en France, chez Flammarion. L’ouvrage est d’autant plus précieux que, comme Claire Malroux pour ses recueils, Françoise Delphy insère des notes au fil des poèmes, ce qui permet d’en saisir des sens cachés ou des éléments contextuels passionnants.

Très tôt, dans votre parcours de découverte, vous aurez envie, peut-être besoin, de disposer de ce coffre aux trésors. Il n’est pas aussi difficile d’accès qu’il en a l’air et permet de vaquer librement au sein de la poésie d’Emily Dickinson, quitte à l’ouvrir régulièrement au hasard pour trois ou quatre poèmes.